Le code de l’éducation indique qu’une éducation à la sexualité présente une "vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes" et "sensibilise aux violences sexistes ou sexuelles". Très bien mais comment faire ?

On l’observe, les filles subissent des dominations persistantes dans les école : appropriation de l’espace sonore, visuel et physique par les garçons, en classe ou dans la cour de récréation. Personnalités masculines en histoire, héros masculins dans la culture littéraire et dans les films ou les vidéos.

Une amie m’a partagé un podcast en 5 parties par Lolita Rivé : "C’est quoi l’amour, maîtresse"

Dans ce podcast, une sociologue explique que l’école a trop souvent tendance à favoriser la "pédagogie de la tolérence" pour lutter contre les discriminations (lorsque l’on décide de s’y intéresser). Ainsi il faut tolérer l’homosexualité, tolérer la transsexualité, tolérer les femmes, tolérer la parole des enfants... Bref, tolérance est le maître mot. Mais ce mot ne résout rien. Au contraire, parler de tolérance c’est affirmer qu’il existe une norme sans la remettre en question. C’est affirmer un rapport de domination dans lesquels il y a des personnes "normales" (dominantes), qui "tolèrent" l’existence de personnes "différentes" (dominées). C’est par conséquent une grave erreur de passer par ce biais là pour espérer instaurer l’égalité et la fin des dominations à l’école et dans notre société (dont les futures citoyen-ne-s sont nos élèves d’aujourd’hui !)

La solution est ailleurs : il s’agit de la pédagogie de la critique des normes pour les remettre en question. Il ne s’agit pas de se faire tolérer ou de tolérer, mais de s’intéresser à "qui décrète les normes ? Qui décide de qui fait partie de la norme et qui n’en fait pas partie ? Quels sont les avantages que cela procure ? Pour qui Et quelles inégalités en découlent ?

Quelques pistes pour les enseignant-e-s dans leur classe

1/ Une ressource vidéo plus qu’adaptée à la classe pour comprendre les inégalités femme/homme et les dominations par l’histoire : Cherchez la femme

Voilà un excellent moyen de lier les programmes scolaires au questionnement des "normes" et des rapports de domination femme/homme.
Production Arte, il s’agit de courts épisodes (3/4 minutes) qui racontent l’histoire des femmes qui ont été effacées de l’histoire...histoire écrite par des hommes qui se la sont appropriée. C’est réalisé avec humour, les situations sont explicites. On propose des personnalités féminines inconnues qui ont pourtant marqué l’histoire. Et on comprend que si elle sont inconnues du grand public, c’est qu’elles ont été effacées, qu’on s’est approprié leurs réussites.

Un exemple dans une classe de CM2 : pendant les apprentissages sur la révolution industrielle, on étudie l’impact du progrès technique dans l’art, la littérature, le cinéma. On parle par exemple de Jules Vernes et ses romans bien connus, du vaccin de Pasteur, des frères Lumières : des hommes.

OR :
– Dans un épisode de "cherchez la femme", on apprend à connaître Alice Guy (1873-1968). Directrice générale des studios Gaumont, à la tête de sa propre société de production aux États-Unis, celle qui a réalisé le premier péplum de l’histoire a longtemps disparu de la mémoire collective. Certains de ses films ont même été attribués à d’autres.

– Dans un autre épisode, on apprend que Jules Verne s’est inspiré des grands scientifiques et explorateurs du XIXe siècle pour écrire ses épopées extraordinaires. Mais celles-ci présenteraient de troublantes similitudes avec les récits d’Ida Pfeiffer (1797-1858) À 45 ans, cette aventurière autrichienne a réalisé deux tours du monde, descendant même dans des volcans en rappel... Jules Vernes a complétement oublié de la citer comme source d’inspiration dans son encyclopédie des grands explorateurs du 19e siècle qui l’ont inspiré !

– De même, pendant l’éducation à la sexualité, nous avons rapidement abordé la notion des chromosomes X Y lors du visionnage d’un "c’est toujours pas sorcier". Or un des épisodes de "cherchez la femme" nous apprend que Edmund Beecher Wilson et Thomas Hunt Morgan sont considérés comme les pères de la génétique moderne. Pourtant, c’est leur assistante de laboratoire, Nettie Stevens (1861-1912), qui a réalisé l’expérience prouvant le rôle du chromosome Y dans la détermination sexuelle. Pour pouvoir publier un article, il fallait le soumettre à un comité scientifique. Dans celui ou elle a fait part de sa découverte, il y avait Edmund Beecher Wilson. Ces messieurs ont d’abord réfuté sa découverte, avant de se l’approprier

Ces épisodes sont l’occasion d’intégrer aux apprentissages et aux évaluations plusieurs questions portant sur ces femmes étudiées : pourquoi méritent-elle d’être connues et comment expliquer leur effacement de l’histoire ? A qui cela a t-il profité ?

Il y a de nombreux épisodes qui peuvent faire du lien avec toutes les périodes historiques, les sciences, les arts, les ouvrages étudiés en lecture suivie... A utiliser chaque année donc !

2/ Virago : mettre en avant des personnalités féminines qui ont marqué l’histoire

Dans un registre similaire, Aude GG présente de nombreuses femmes historiques. Je vous les conseille les yeux fermés ! Là encore vous aurez toujours un lien à faire avec les différents champs d’apprentissage au cycle 2 et 3.

3/ "Égalité filles-garçons"- Réseau Canope (2 tomes)

Ces deux tomes proposent de nombreuses fiches-activités testées en classe, de la maternelle à la 6e. Le principe : "L’égalité filles-garçons n’est pas une discipline supplémentaire à mettre en œuvre, c’est une dimension à intégrer au quotidien, dans tous les apprentissages."
Clé en main, c’est très pratique. On réfléchit à la représentation sexuée dans les images qui nous entourent, à ces mêmes représentations dans l’histoire, on critique, on réfléchit. Les séquences s’intègrent à des séances de français, d’histoire et d’autres champs d’apprentissage.
Le petit bémol, c’est que ces ouvrages brassent un peu tous les niveaux, il y aura donc peu de séquences concernant votre niveau de classe. Néanmoins, vous pouvez justement l’utiliser chaque année quelque soit votre niveau de classe.

4/ Des Bandes-dessinées de qualité avec comme personnages principaux des personnages féminins

Pour les élèves, il est chouette d’avoir une bibliothèque bien fournie dans la classe. Un bibliothèque qui permette de créer un patrimoine commun à la classe.

Voici quelques recommandations :

Irena (5 tomes)

Dans le Ghetto de Varsovie, Irena, infirmière, a fait sortir plus de 2000 enfants dont elle a changé l’identité. Une histoire vraie sacrément belle pour une classe de cycle 3. Une véritable héroïne, un modèle. Elle s’est faite arrêtée , torturée mais n’a jamais dénoncé qui que ce soit. Malgré sa vie incroyable, ce n’est que très tardivement qu’elle s’est faite connaître. C’est là encore l’occasion de questionner les élèves sur la méconnaissance d’une telle femme en dépit de son rôle dans l’histoire.
Le graphisme est parfaitement adapté, le sujet est grave mais la bande dessinée faite pour les enfants. Une véritable source d’identification !
C’est bien évidemment à étudier lors des séances sur la Seconde Guerre mondiale en classe de CM2 !

Ninn

Dans les métros de Paris, Ninn est comme chez elle, il faut dire que c’est là qu’on l’a trouvée, bébé. Ninn aime l’aventure, elle va découvrir un monde parallèle accessible par des couloirs abandonnés du métro. "Les grands lointain" est un monde hostile mais c’est chez elle, elle s’y sent bien. Son rôle est déterminant pour la protection de ce monde, ce n’est pas sans danger ! Une héroïne qui brave les interdits, qui fuit, qui désobéit, qui prend des risques. Les dessins sont magnifiques.

Les cahiers d’Esther

Bien connue, cette BD raconte la vie d’une fille depuis ses 10 ans jusqu’à ses 18 ans.
La bande dessinée s’inspire du véritable récit que fait Esther à l’auteur. Les élèves aiment bien parce qu’ils s’identifient. Le langage est de leur âge. Le milieu de l’école est familier. Mais nous avons le point de vue d’Esther. C’est intéressant parce que tout le monde dans la classe s’arrache la BD pour la lire. Et c’est à travers le regard féminin d’une fille de leur âge qu’ils savourent ce récit.

Talents Hauts

La maison d’édition indépendante Talents Hauts s’est spécialisée dans le décryptage de stéréotypes, notamment sexiste, et propose des ouvrages pour tous les âges. Sa démarche consiste à rendre accessible dès le plus jeune âge certains concepts comme le consentement, jouer sur les représentations en donnant une place centrale à des personnages féminins, racisés ou encore rendre visible toutes les orientations sexuelles.

Une bibliographie, incomplète bien sûr, en littérature jeunesse :

– Toutes les familles de mon village, Ophélie Celier

– La Princesse et le dragon, R. Munsch, ed Talents hauts

– J’ai mal au maths, E. Brami, ed Talents hauts

– Le Petit Illustré de l’intimité (tome 1 : vulve ... tome 2 : pénis ...) : Mathilde Baudy (enfants et ados)

– Les Animales, Fred L., ed Talents hauts —> imagier (avant 3ans)

– Mon Carrosse, S. Huguet, ed Talents hauts (avant 3 ans)

– J’aime pas être belle, S. Richard, ed Talents hauts

– La Princesse et le grand sage, F. Brumer, ed Talents hauts

– De quoi je me mêle ? A. Tariel, ed Talents hauts

– Le Prince aux petits pois, Fred L., ed Talents hauts

– Le Meilleur cowboy de l’Ouest, Fred L., ed Talents hauts

– La Déclaration des droits des filles, E. Brami, ed Talents hauts

– Ines la piratesse, Pascal Coatanlem, ed Talents hauts

– Nous les garçons, Raphaël Martin (9-13 ans), docu

– La Ligue des super féministes : Mirion Malle (bd dès 10 ans)

– C’est ta vie, Thierry Le Nain (à partir de 9 ans) : l’encyclopédie qui parle d’amitié, d’amour et de sexe aux enfants

– Comme un million de papillons noirs, L. Nsafou

– Toi aussi tu comptes, Christian Robinson

– Julian est une sirène, Jessica Love

Bons visionnages et bonne lecture !

Et pour s’inscrire à notre 8° université de printemps féministe les 29 et 30 avril 2024, c’est ICI !

Inégalités filles garçons à l'école : quelques ressources pour la classe.

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