La constitution de groupes de niveau au collège à la rentrée prochaine est sans doute la mesure la plus visible du « Choc des savoirs ». Mais il faut bien considérer cette réforme comme un écosystème qui touche l’ensemble des élèves, des parcours et des voies, et qui vise d’une part à mieux sélectionner les élèves au fur et à mesure de leur scolarité, et d’autre part à permettre au politique de prendre la main sur les contenus de formation et sur les pratiques professionnelles des enseignant·es. C’est pourtant bien seul, contre les résultats constants de la recherche, en faisant fi des comparaisons internationales, contre l’avis unanime du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), contre l’avis de la communauté éducative dans son ensemble que le premier ministre impose à sa ministre de l’Éducation nationale de mettre en œuvre coûte que coûte les mesures de son « choc des savoirs ».

Trier : Depuis la loi ORE et l’avènement de Parcoursup conçu pour sélectionner les bachelier·es à l’entrée de l’enseignement supérieur, engorgé faute de moyens et d’investissement, jusqu’à la mise à l’index des enfants les plus en difficulté désignés comme des freins à la réussite de ceux qui ont le plus de facilités, c’est le même objectif de séparatisme scolaire et d’assignation à résidence géographique et sociale des enfants issus des milieux populaires que nous assistons.

Contrôler : Avec les méthodes pédagogiques imposées en lecture ou en mathématiques, les évaluations standardisées généralisées du CP à la seconde ou encore avec la labellisation des manuels scolaires, c’est la liberté pédagogique des enseignant·es qui est remise en cause. C’est pourtant grâce à cette liberté que des générations d’enseignant·es ont pu adapter leurs pratiques à la diversité de leurs élèves, en innovant et en développant des pédagogies qui répondaient aux besoins spécifiques qu’ils ou elles identifiaient.

La mobilisation contre le « Choc des savoirs », ininterrompue depuis janvier, ne cesse de s’amplifier. Ce 4 pages présente des modalités de résistance complémentaires à proposer aux équipes du premier et second degrés pour bloquer la mise en œuvre des mesures.

LES MESURES DU CHOC DES SAVOIRS

Le « choc des savoirs » est un ensemble de mesures destinées à s’attaquer aux fondements de l’école publique et à son ambition de permettre à tous les élèves de s’émanciper par l’accès à une culture commune.
La mesure phare est celle des groupes de niveau des élèves en français et en mathématiques. Même appelés « groupes de besoin », ce sont bien des groupes de niveau que le ministère souhaite mettre en place. Il s’agit de consacrer l’idée réactionnaire selon laquelle l’inné est plus fort que tout et que tous les élèves ne doivent pas bénéficier, ensemble, des enseignements communs.
Cette mesure fait écho à la réforme de la voie professionnelle qui a vu diminuer ses heures d’enseignement, au prétexte que les élèves de lycée professionnel auraient besoin de plus d’entreprise et de moins d’école.
L’autoritarisme gouvernemental conditionne le passage au lycée à l’obtention du diplôme national du brevet (DNB), faute de quoi il faudra passer par la case « prépa seconde ».
Les établissements pourront s’exonérer des programmes pour organiser cette classe : une parfaite dérive de l’autonomie des établissements au format néo-libéral tout en compromettant l’avenir des jeunes sous prétexte de les aider. Les manuels scolaires seront labellisés, du jamais vu depuis le régime de Vichy, et par conséquent, les choix pédagogiques des enseignant·es contraints. Les personnels du premier et du second degrés ont besoin d’être soutenu·es. Mais, cela passe d’abord par la reconnaissance de leur professionnalité, par l’amélioration de leurs conditions de travail et de leurs salaires.
Dans le même temps, l’évaluation standardisée de tous les élèves, à chaque rentrée scolaire, se généralise du CP à la seconde en septembre 2024. C’est l’outil central de contrôle et de pilotage de l’école ségrégative d’Attal et Belloubet. Il faut construire une opposition à cet outil de standardisation de l’enseignement et de tri des élèves. La pétition intersyndicale « Évaluations : laissez-nous travailler ! » est une étape de cette mobilisation, pour construire la perspective d’un arrêt de ces évaluations.

PREMIER DEGRÉ : INÉGALITÉS ET MISE AU PAS DU MÉTIER

Extraits pour le premier degré

Généralisation des évaluations nationales, réforme des programmes, labellisation des manuels, facilitation des redoublements… les attaques contre le premier degré sont majeures. Contrôle du métier et promotion de dispositifs augmentant les inégalités d’apprentissage se conjuguent pour dégrader encore plus une École au bord de la rupture.

Un écosystème de contrôle des pratiques

Les évaluations nationales standardisées seront obligatoires pour tous les niveaux, de l’école élémentaire jusqu’à la seconde. Centrées sur les seuls “fondamentaux”, elles mettent en avant une conception restrictive et archaïque des apprentissages, fondées sur des présupposés éducatifs imposés par le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale (CSEN) qui sont en contradiction avec les consensus scientifiques sur la question. Ces évaluations standardisées sont la pierre angulaire d’un écosystème de mesures visant un contrôle croissant des pratiques. La labellisation des manuels scolaires commencera dès la rentrée 2024 pour la lecture en cycle 2. Cette labellisation sera fondée sur un référentiel élaboré par le CSEN, qui est loin d’avoir fait la preuve de son impartialité éducative. Ce référentiel exclue une grande part des sciences de l’éducation des références que pourraient avoir les manuels : tout scénario pédagogique faisant d’une situation-problème le point de démarrage de l’apprentissage est mis au banc.

Les programmes sont réécrits, en contradiction avec les consensus scientifiques. La part des prescriptions pédagogiques y est considérablement augmenté, avec des repères annuels et infra-annuels. Or, même l’OCDE le dit, les systèmes scolaires qui misent sur l’expertise des enseignant.es et leur capacité de concevoir les enseignements sont ceux qui sont les plus performants et les moins soumis aux déterminismes sociaux. Ce recul de la culture professionnelle au profit de protocoles, va réduire la capacité des enseignant·es à venir en aide aux élèves.

Un renforcement des inégalités scolaires

Resserrement sur les « fondamentaux », modalités (individualisation, dispositifs hors du temps de classe, redoublement…) condamnées par la recherche parce que renforçant les inégalités d’apprentissage… Le ministère entend réduire les acquisitions des élèves les plus en difficulté, majoritairement issu·es des classes populaires quand les autres continueront de bénéficier des savoirs et compétences de haut niveau, utiles à la réussite scolaire et à l’émancipation (transmission familiale, groupes de “bon” niveau…).
Le ministère construit une école plus normative, plus sélective, plus à même d’opérer le tri social. « Le taux de réussite au brevet et sans doute au bac diminuera dans les années à venir. J’en ai conscience et je l’assume. », disait Gabriel Attal. Se faisant il renonce explicitement à l’élévation générale du niveau scolaire et à la démocratisation de la réussite scolaire.

Opposé·es aux évaluations nationales, nous ne trierons pas nos élèves

Le métier doit rester à la main des enseignant·es, de l’évaluation jusqu’à la conception des situations d’apprentissages. Il est nécessaire de défendre la liberté pédagogique et de renforcer le pouvoir d’agir enseignant, pour que la profession puisse lutter efficacement contre les inégalités scolaires.
Il nous faut refuser collectivement que notre métier devienne celui du tri social, et une tâche d’application de protocoles. C’est pourquoi nous appelons à porter la motion de Conseil des maitre·sses “Nous ne trierons pas les élèves” ainsi qu’à signer et faire signer la pétition intersyndicale contre les évaluations nationales.
Collectivement, exigeons l’abandon de l’ensemble des mesures dites du “choc des savoirs” et des évaluations
nationales, clé de voûte de ce système.

Résister au «Choc des savoirs » !

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